2008 va voir se développer le financement par l'UE des groupements politiques trans-européens, embryons de vrais "partis européens" autour desquels s'articulerait la vie politique du super-Etat en construction (voir ici et ici).
Le journaliste conservateur belge Paul Belien s'en inquiétait cette semaine, dans sa tribune hebdomadaire du Washington Times.
Belien donne un historique rapide de la question. Il affirme qu'un plan initial voulait que seuls quatre regroupements soient financés, tous fédéralistes : le PPE, le PSE, les libéraux et les verts. Ce plan ayant suscité une levée de bouclier, la liste des dix euro-partis bénéficiant de financement est calquée sur les groupes au Parlement de l'UE - ce qui exclut les partis nationalistes de l'ex-ITS, comme le Front national, mais permet le financement d'un regroupement souverainiste (Indépendance et Démocratie, ID en France); et d'un regroupement conservateur-eurosceptique (l'UEN).
Mais Belien est inquiet. Ce financement européen ayant sans doute pour vocation de remplacer progressivement toutes les autres sources de financement (privées et nationales), seuls ces euro-partis agréés pourraient à terme sérieusement concourir politiquement dans l'UE. Or ce que l'UE paye, l'UE commande ("he who pays the piper calls the tune", dans la métaphore qu'utilise Belien). Et l'UE n'acceptera sans doute pas longtemps de financer des groupements souverainistes. Belien en veut pour preuve le traitement qui est fait au Vlaams Belang en Belgique : les politiciens s'acharnent à priver de son financement public le parti sécessioniste flamand, sous prétexte que "l'Etat n'a pas à financer ses ennemis". Si l'on transpose : l'UE n'aura pas à financer les adversaires de l'intégration.
Belien attire l'attention sur un dossier intéressant actuellement devant la Cour européenne des droits de l'homme : l'Etat néerlandais veut priver de son financement public un petit parti calviniste fondamentaliste (le plus ancien parti du pays, le SGP), qui refuse de présenter son quota de femmes aux élections. Après des décisions contradictoires des tribunaux néerlandais, la CEDH est appelée à se prononcer. Si elle donnait raison au SGP (Belien est pessimiste), la jurisprudence pourrait être un rempart à une utilisation autoritaire par l'UE de son financement. Mais dans le cas contraire...
Ajoutons quelques remarques :
- Les regroupements souverainistes/eurosceptiques sont plus disparates idéologiquement que les groupes fédéralistes ou d'extrême-gauche. Il est difficile d'imaginer qu'ils puissent devenir de réels partis fédéraux conservateurs cohérents, notamment sur les "questions de société".
- Ces regroupements pourraient connaître une forte instabilité dans les années à venir. L'ID comme l'UEN sont proches du seuil minimum pour conserver leur groupe au Parlement, donc pour être financés. De surcroît, la création d'un nouveau groupe autour des Conservateurs britanniques et de leurs homologues tchèques de l'ODS, promise pour 2009, pourrait bouleverser la donne.
- La question du financement accroîtra la pression sur les non-inscrits pour s'affilier, donnant peut-être une nouvelle vie au regroupement nationaliste de l'ITS, ou quelque chose y ressemblant.